MOUVEMENT DEMOCRATIQUE SOCIALE ET LAIQUE (MDSL)
  Exercice sur «le fatalisme laïc»
 

 Le Quotidien d'Oran


Exercice sur «le fatalisme laïc»

par Kamel Daoud

C'est quoi le fatalisme laïc ? C'est une sorte de désespoir par la logique et pas par Dieu que l'on retrouve un peu chez une classe d'algériens perspicaces jusqu'à en récolter de l'impuissance. Le fatalisme laïc peut être néo-colonial : il dit que l'algérien a peut-être vaincu la France mais pas ses propres habitudes de ne rien faire et d'attendre le prochain colon pour décoloniser dans la gloire. En sourdine, ce fatalisme note au passage que s'il nous a fallu sept ans de guerre pour être indépendants, il nous en a fallu 130 pour en réaliser la nécessité.

Le fatalisme laïc peut aussi être panarabe : les algériens sont des arabes «idéologiques» et les arabes sont dans l'impasse depuis Bouabdil, le dernier chef de daïra de Grenade, en Andalousie. Selon cette association, on ne peut pas s'en sortir par une solution nationale lorsqu'on est pris dans un piège international. Le fatalisme peut aussi être sentimental ou de constat : les algériens, selon cette école, ne s'aiment pas et n'aiment personne, sauf les suédoises ou l'argent gratuit ou le travail mal fait ou la ruse durable. Mal aimés les uns par les autres, les algériens sont fatalistes puisque rien n'a de sens lorsqu'on n'a pas la chance d'être l'objet du désir ou le sujet de l'amour. Tout est cendre pour les coeurs qui ressemblent trop à des arrêts de bus.

Enfin, le fatalisme laïc peut être politique : «on s'en sortira jamais», dit cette école. Avec un mandat à vie depuis 1962 selon un politique, les mêmes dirigeants photocopiés, la même politique de distribution par Ould Abbès à l'époque du marché libre ou par Aswak El Fellah à l'époque du socialisme, on a tout fait pour ne rien faire. Rien ne sert de voter ou de ne pas voter, de protester ou de s'allier, de prendre le maquis ou le chemin de sa maison.

Le fatalisme est donc un portrait national : c'est le reflet du visage de l'algérien lorsque celui-ci se penche sur le trou creusé dans le goudron mal fait. En arabe, tout est estampillé avec l'expression «In Challah». Traduire en français, chez les laïcs : «en principe». Cela va de la métaphysique de «tout est écrit» à la sociologie de «rien ne sert d'écrire puisque...». Et si le fatalisme est une maladie de la croyance religieuse, il devient pire lorsqu'il est laïc». Là, il participe du fondement de la nationalité et pas de la dérive de la confession. Et c'est un grand moment de la maturité politique que ce jour où l'on finit par rencontrer, par exercice de profession, des ministres, des walis, des professeurs et des hauts clercs de l'Etat vous raconter, entre deux discours payés, que ce pays ne se relèvera pas, n'ira nulle part que vers la réinvention des babouches et ne marchera jamais sur la lune.

«L'Etat n'existe que dans la tête de ces gens-là», a dit un jour un commis de l'Etat au chroniqueur lors d'un méchoui populaire, pendant que le peuple chantait avec ses tambours et soulevait les poussières de son folklore lors d'un wa'da rurale. Au fond, personne ne croit en ce pays, au point où les gens qui font montre d'espoir sont vus comme des névrosés, des rusés ou des gens qui ont trouvé un dernier bien vacant que les autres n'ont pas encore vu et débusqué.

 
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