MOUVEMENT DEMOCRATIQUE SOCIALE ET LAIQUE (MDSL)
  UN MOUVEMENT DE LUTTE
 


 

UN MOUVEMENT DE LUTTE
POUR LA DÉMOCRATIE MODERNE
 
Discours de Hachemi CHERIF
à l'ouverture de la Conférence Nationale
de Sidi Fredj (30 avril 98)
 
Depuis quelques années, un monstre, venu du fond des ténèbres, hante les jours et les nuits de notre peuple héroïque et martyr : l'intégrisme totalitaire et son bras armé terroriste. Le bilan est lourd : des dizaines de milliers de morts assassinés, de mutilés, de torturés, de veuves et d'orphelins, de femmes violées. de destructions, d'hypothèque longue sur les perspectives de développement et de progrès.
Gloire à tous les martyrs civils et militaires, femmes et hommes de tous âges, enfants, victimes du terrorisme barbare !
 
Gloire à tous les combattants, à cette société vivante qui, malgré les inconséquences du pouvoir, oppose à l'intégrisme une résistance héroïque, digne d'un grand peuple !
 
Au fond, l'Algérie est tétanisée par deux cercles vicieux :
 
* Premier cercle vicieux: notre peuple est sorti dans la rue un jour &octobre 1988 pour chasser un système rentier, bureaucratique, corrompu. Il s'est retrouvé face à un ennemi mortel : l'intégrisme totalitaire. Aujourd'hui, il se bat contre l'intégrisme et voilà qu'il se retrouve en face du même système qui n'hésite pas à s'allier avec ce même intégrisme pour se préserver.
 
Pire encore, notre peuple se retrouve "'légitimement" désarmé face à cette union de l'intégrisme et du système, parce que celle-ci a été légitime aux yeux de l'opinion nationale et internationale, par la grâce d'un processus électoral, tout ce qu'il y a de plus formellement démocratique et pluraliste !
 
* Deuxième cercle vicieux: les caractéristiques du système comme système économique et social, rendent impossible tout redressement économique, social, culturel, immédiat; à plus forte raison, la prise en charge des tâches stratégiques de longue durée qui devraient sortir l'Algérie du sous-développement et l'engager dans la voie du progrès général et radical.
 
En même temps, ce système ne s'effondrera pas tant qu'il repose sur un Etat hybride qui, pour cette raison même, légitime et justifie l'intégrisme. C'est pourquoi la pression démocratique doit s'exercer simultanément sur l'intégrisme, sur le système rentier et sur l'Etat pour en changer fondamentalement la nature, tout en le préservant de la menace intégriste.
 
C'est une crise générale, globale et intégrale, qui touche toutes les sphères de la vie. Elle est complexe: crise économique et sociale, crise de pouvoir, crise de système, crise d'Etat. Il est clair que nous nous trouvons devant une crise de situation révolutionnaire et qu'on ne peut la dépasser que si on lui applique une solution révolutionnaire.
 
Or ce qui pose le plus problème, c'est que le pouvoir et la classe politique démocratique, malgré toutes les expériences de réforme mises en œuvre, continuent à mettre en avant une ligne réformiste là ou la situation appelle une ligne, des moyens et des instruments révolutionnaires 1
 
C'est à dire, un changement qui touche à la racine du problème, par des instruments et méthodes révolutionnaires, car à toute situation révolutionnaire, il n'y a qu'une issue révolutionnaire.
 
Or, il y a un décalage gigantesque entre cette réalité, ces enjeux et cette classe politique, entre exigences de rupture, de progrès et classe politique. Il y a un décalage d'ordre qualitatif et à plus forte raison quantitatif. Dans les différentes classes et couches sociales déjà, il y a décalage entre les intérêts immédiats et les intérêts stratégiques, entre ces intérêts et la conscience historique.
Exemples: Ne parlons pas des ouvriers ou des paysans pauvres qui ont soutenu le FIS, parlons des couches moyennes, parlons de certains entrepreneurs et industriels, sans généraliser bien entendu, prompts à céder aux sollicitations des islamistes à coup de milliards mais qui ne sont pas prêts à donner le moindre sou pour un parti, une association civile démocratique, ou même se solidariser avec les familles des victimes de la terreur intégriste.
Il est évident pour tous aujourd'hui que la classe politique présente n'est pas l'émanation authentique de la réalité sociale, dans sa dynamique. Si elle en exprime la vérité, elle n'en exprime qu'une part, toute relative. Elle en exprime la face retardataire parce qu'elle s'appuie sur les retards de conscience et non sur ses avancées. Elle constitue un reflet décalé de la conscience sociale. Reflet brisé par des contradictions complexes, des faux clivages, la prédominance d'affinités de caractère archaïque sur des choix décisifs de société, par les espoirs et les illusions, les désespoirs et les désillusions.
 
C'est une classe politique qui est en dessous de la société, tout en prétendant se placer au dessus de la société et en exprimer la conscience, voire même la conscience historique. C'est une classe politique engluée dans les luttes immédiates de pouvoir à courte vue. En tous cas elle est le reflet de classes sociales sans conscience historique.
 
De plus, l'émergence des partis politiques dans la situation de l'après octobre 1988 n'a pas été un produit spontané, autonome de ce processus de transition, mais à la fois le résultat du décalage entre la société réelle et ses exigences de progrès, et son reflet dans la conscience et le fruit de manipulations politiciennes ! C'est une sortie à la vie qui a dû subir une naissance problématique avec toutes les "‑malformations congénitales" qui en découlent.
 
C'est une classe politique qui pour l'essentiel est engluée dans la pré modernité, à divers paliers, nourrissant une sous-estimation dangereuse de la théorie et de la culture politique, ou même un certain mépris, s'appuyant essentiellement sur des symboliques identitaires (signe de problèmes identitaires graves hés organiquement au projet de société) et des problématiques scélérates; le camp ultra réactionnaire disposant du projet de société le plus parfaitement cristallisé parce que sédimenté dans les consciences depuis des siècles au point de se saisir par un mot d'ordre aussi simpliste que "el islam hewa el hal" ("l'Islam est la solution"').
Ce n'est pas le cas de l'alternative démocratique et moderniste. Le mot d'ordre "el âsrana wa eddimocratya houma el hall" ('la modernité et la démocratie sont la solution") ne peut susciter une attention massive de la société dans les conditions actuelles. Il faut lui donner sa matière. Et pour cela conquérir l'Etat. Et il est impossible de remonter le même chemin que les islamistes pour parvenir à un tel degré de synthèse. D'autant que pour y parvenir, il faudra avoir conquis l'Etat, ses instruments et moyens.
Il est patent que cette classe politique se situe par certains de ses aspects dans le prolongement du mouvement de libération nationale avec ses acquis et ses retards, (et surtout de ses retards de conscience), et par d'autres aspects en rupture avec le mouvement de libération. Elle est, pour l'essentiel, fille du parti unique, même quand elle passe dans l'opposition. Elle en est l'interface.
Alors que la réalité a été affectée par des transformations profondes et radicales de caractère historique et stratégique, la classe politique a vu certains de ses segments complètement figés, tandis que d'autres se sont fossilisés comme courants au pôle le plus négatif. Dans le meilleur des cas, elle n'avance pas au rythme d'avancée de la société elle-même, quand elle ne contribue pas à la retarder.
 
Les partis démocratiques, ou tout au moins les partis non intégristes, n'échappent pas aux malformations congénitales qui ont affecté la classe politique. Par leurs sigles formels et leurs références programmatiques, ils anticipent de manière fictive sur des débats de société propres à des pays installés de manière irréversible dans la modernité, et par conséquent font diversion sur les enjeux historiques non encore définitivement tranchés.
 
Ces partis représentent une anticipation maladroite et immature de la modernité. Ils pensent la société moderne quand elle ne l'est pas encore, et pensent la société figée dans ses archaïsmes quand elle ne l'est déjà plus. Ils participent à édulcorer les contradictions au heu de les mettre à jour, de les aiguiser et de les faire fructifier. Ils font diversion sur l'exigence de rassemblement le plus large. Les illusions et les mythes qu'ils entretiennent produisent des dégâts dévastateurs dans la société.
 
Aujourd'hui, se pose à la classe politique démocratique un immense défi : reconquérir ou plus exactement conquérir la confiance des citoyennes et des citoyens, œuvrer à transformer leur méfiance envers la classe politique en exigence politique et morale, donner au projet de modernité la profondeur populaire sans laquelle il ne peut triompher ni du projet théocratique, ni du piège du système rentier.
 
Us doivent réfléchir à leur propre pratique. Les partis démocratiques doivent ils représenter mécaniquement la société, "le peuple" au sens populiste, l'utiliser comme masse de manœuvre, ou bien être en phase avec lui comme mouvement historique, exprimer, traduire leurs aspirations et leurs intérêts immédiats et leurs intérêts stratégiques de longue portée, porter à leur summum leurs espoirs de liberté, de justice et de progrès, donner l'opportunité aux forces les plus positives pour libérer leurs forces, promouvoir leurs intérêts immédiats, et leurs intérêts stratégiques, à long terme.
Depuis des années, se pose à tous les patriotes, ‑et à nous assurément !­­, la question lancinante de savoir à travers quel instrument politique, quels types de partis politiques, la société algérienne pourrait se reconnaître dans un projet de modernité, le faire sien, lutter de toutes ses forces pour le faire valoir. Ce n'est pas une question simple, et elle n'appelle pas une réponse simpliste.
A la question de savoir pourquoi tant de changements, en ce qui nous concerne, on peut opposer d'autres questions, et par exemple pourquoi tant de Constitutions depuis l'indépendance ? Pourquoi cette instabilité chronique ? Et pourquoi ce choc si violent ? Pourquoi s'en tenir à un fétichisme des sigles et des formes d'organisation quand la réalité va si vite ? Se rend on bien compte à quels rythmes évolue la société algérienne ?
 
Les changements qui touchent aussi bien la base infrastructurelle de la société algérienne que sa superstructure institutionnelle et idéologique, se déroulent à une vitesse qui donne le vertige.
 
Telle est la caractéristique de cette transition active depuis l'indépendance et de ce choc extrêmement violent entre les deux projets de société auquel elle a abouti. Des siècles d'histoire se sont concentrés en quelques dizaines d'années d'indépendance.
 
C'est une des caractéristiques historiques de la société algérienne ciselée par des contradictions vivantes et des luttes lui ouvrant la voie à une dynamique historique toujours en éveil, d'une rapidité telle qu'elle ne peut être traduite aujourd'hui par une fixité des partis politiques alors qu'ils sont plutôt sensés en traduire la dynamique.
D'où la nécessité de voilier en permanence à ce que la configuration d'une organisation politique s'adapte aux données sociopolitiques qui sont en constant changement, surtout quand Il s'agit de changements qualitatifs, tout en prenant garde à ne pas dissiper, dilapider l'expérience engrangée.
S'il avait existé, ou s'il avait pu exister des partis capables d'entrer en synergie stratégique dans le cadre d'un rassemblement au point où leurs différences seraient source d'enrichissement sans faire diversion ‑sur l'unité indissoluble pour affronter les tâches de lutte anti-terroriste, de lutte anti intégriste, de lutte contre le système rentier qui lui renvoie, et pour l'édification d'un Etat et d'une société modernes, cela n'aurait pas posé de problème particulier, et chaque parti aurait pu évoluer en symbiose de son propre rythme et du rythme d'évolution de la société.
Il se trouve que nous n'avons pas à faire à une telle configuration du paysage politique pour des raisons qui trouvent leur explication dans un certain nombre de raisons.
Pour être plus clair, une organisation politique, parti ou Mouvement West pas un objet en soi, pour soi. Il n'est pas une fin en soi. Il est un rapport social. Il n'est qu'un rapport social. Qui doit évoluer au rythme d'évolution de la société.
A la question de savoir quel type d'organisation politique, parti ou Mouvement, correspond aux enjeux, possibilités et luttes actuelles, nous avons répondu résolument: Mouvement!
 
Pourquoi ? Nous l'avons vu, la crise est une crise de l'Etat. Un parti, dans la définition classique issue de l'expérience historique de l'humanité, est par essence un parti de programme, rattaché à des intérêts particuliers sociaux, de classe, et à des approches idéologiques particulières et cristallisées, donc partisan/s, parfois même sectaire/s.
 
""Mouvement", cela signifie organisation qui s'inscrit dans la ligne générale d'une évolution historique; qui exprime les intérêts liés de tous les groupes sociaux qui vivent du produit de leur travail et non de la rente, de la corruption, de la rapine.
Comment implanter notre Mouvement à la fois dans les forces modernes des couches supérieures les plus progressistes de la société en lui donnant une large base sociale populaire à connotation de gauche, sans quoi la modernité et la satisfaction des besoins et aspirations légitimes de notre population ne seraient qu'un vain mot, en sachant bien aujourd'hui que ce sont les couches populaires qui paient le poids de la résistance ?
"Mouvement", c'est à dire une organisation ouverte, vivante. Non fermée. Non définitive. Non sectaire. Ni au plan organique ni au plan idéologique. C'est à dire une organisation capable d'entrer en interaction avec une société pour laquelle chaque année compte des décennies, capable de capitaliser son expérience, capable d'exprimer les changements qualitatifs qui s'y réalisent avec une rapidité vertigineuse.
 
Construire sur du solide un Mouvement capable d'organiser et de mettre en action de façon plus efficace la 'famille qui avance pour faire face aux luttes et aux défis de plus en plus complexes et difficiles qui s'annoncent sur tous les fronts.
Car, face à l'intégrisme, face au système, face à l'immensité des taches, Il y a nécessité d'un large Mouvement démocratique autour d'un noyau dur révolutionnaire, en somme un contre‑FIS !
 
Pour ces forces mêmes, Il faut ouvrir ce Mouvement le plus largement possible en ayant confiance dans ses orientations conquérantes, tout en étant parfaitement conscient que la complexité des tâches et des luttes qui s'annoncent, requièrent de ce Mouvement une grande discipline démocratique, une détermination et un esprit de conséquence sans faille.
Il faut en somme qu'il soit, en mime temps qu'un Mouvement large, un noyau dur capable de résister aux pressions de plus en plus fortes de l'intégrisme et du système, à mesure qu'il parviendra à s'affirmer sur le terrain.
 
D'ailleurs, nous n'avons pas encore commencé, que voilà Hamas, tête de file de l'ultra réaction qui nous jette la pierre, en attendant qu'il nous jette autre chose...
 
Il s'agit d'aller vers les forces vives de la société, les forces du travail, de la production, de l'intelligence, de la science et de la culture, les patriotes qui font face au quotidien au monstre terroriste, les cadres, les travailleurs, les jeunes et les femmes, les bâtisseurs du monde nouveau,, avec les forces politiques potentielles qui émergent de l'expérience des luttes engagées sur tous les fronts depuis des années et qui ne se trouvent
 pas encore portées par les forces politiques organisées actuelles.
Nous sommes réunis ici sur la base d'un fond stratégique commun. Nous avons opéré un double mouvement : un mouvement d'ETTAHADDI vers des forces nouvelles, et un mouvement de ces forces nouvelles vers ETTAHADI dans une direction précise.
 
Pour y parvenir, il faudra se placer résolument du point de vue de la science politique, de la conscience la plus aiguë du danger mortel de l'intégrisme, de la société en marche et des exigences du mouvement historique pour le progrès général et radical.
 
Quant à la question du rassemblement patriotique et démocratique, elle reste entière. Et nous devons nous atteler à la faire avancer.
 
Nous disons à nos amis:
 
Voilà le minimum d'orientations, forgé dans l'épreuve, que nous vous proposons, la rupture avec l'intégrisme et tout l'islamisme politique et avec le système rentier, rupture qui ne s'accommode d'aucun compromis.
Voilà notre. volonté de lutter de toutes nos forces pour un Etat démocratique moderne, de progrès et de justice sociale.
 
Voilà notre capital politique et moral, nous le mettons à disposition.
 
Construisons ensemble une nouvelle force politique fondée sur la lucidité stratégique et tactique, crédible, capable de relever les immenses et graves défis qui nous sont posés !
 
            Hachemi CHERIF
Sidi Fredj le 30 avril 1998


 
 
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